La Poésie des Muses

La vieillesse des femmes

La vieillesse des femmes

 

Hélène Vacaresco


Un rêve

 

J'ai fait toute la nuit des rêves singuliers. -

J'étais seule avec toi sous les grands peupliers,

Près de l'étroit talus que la rivière creuse;

Le vent du soir avait toujours sa voix pleureuse,

Et sous le frôlement langoureux des lilas,

Dans l'ombre, vers le mien se penchait ton front las.

Comme un ressouvenir des choses que l'on aime,

Il était dans mon rêve étrangement le même

Ce petit coin de terre, avec ses peupliers

Et tous les bruits confus qui nous sont familiers.

Mais nous seuls nous étions changés; j'avais à peine

Senti l'âme des fleurs voler dans leur haleine,

J'entendais s'alanguir ta démarche et ta voix,

Ton regard n'avait plus sa chaleur d'autrefois;

Nous marchions sans frémir sous les feuillages souples

Où les oiseaux volaient et se posaient par couples.

Tous les refrains d'amour comme des chants d'adieux

Saluaient notre oreille; hélas! nous étions vieux!

Vieux, devant ce regain de verdeur et de roses;

Vieux devant la jeunesse éternelle des choses!

Et l'onde lumineuse éclaboussant le bord,

Et le chêne qui vibre à la brise et qui tord

Ses grands bras tourmentés en vain par les orages,

Et la blancheur du tremble aux vacillants ombrages

Dans lesquels le ciel rit et s'encadre si bien -

Tout ce monde d'amour ne nous disait plus rien.

Mets ta main dans la mienne, allons tous deux bien vite

Sous les arbres moussus dont la fraîcheur invite

Et nous verrons au loin le profil bleu des monts;

Car je sais maintenant pourquoi nous les aimons,

Pourquoi leurs mille voix, fraîches comme l'aurore,

Nous parlent d'avenir quand notre oeil les explore,

Ces lieux toujours nouveaux et pourtant familiers

Où je marche avec toi sous les grands peupliers.

 

Chants d'Aurore, 1886

 


 

 

Sophie d'Houdetot (1730-1815)

 

   Ses poèmes de circonstance, sont très éloignés du sérieux qui a aujourd'hui investi le devoir de provocation qui caractérise l'art officiel contemporain. Mais on peut en apprécier l'immoralité tranquille. On peut aussi regretter ce 18ème siècle où la poésie est moins un art qu'un ART DE VIVRE et en ce qui concerne Mme d'Houdetot... de BIEN VIEILLIR. Rafraîchissant!

 

Ses poésies sont insérées dans l'édition de 1883 des oeuvres de Robert de Crèvecoeur, son amant.


 

(Oh! le bon temps que la vieillesse!)

 

Oh! le bon temps que la vieillesse!

Ce qui fut plaisir est tristesse,

Ce qui fut rond devient pointu;

L'esprit même est cogne-fétu.

On entend mal, on n'y voit guère,

On a cent moyens de déplaire;

Ce qui charma nous semble laid.

On voit le monde comme il est.

Qui vous chercha vous abandonne;

Le bon sens, la froide vertu

Chez vous n'attirent plus personne;

On se plaint d'avoir trop vécu.

Mais, dans ma retraite profonde,

Qu'un seul ami me reste au monde,

Je croirai n'avoir rien perdu!

 

 

 

 

Catherine Desroches

 

Dialogue de Vieillesse et Jeunesse

Les oeuvres de Mesdames des Roches, de Poitiers, mère et fille, 1579, p. 55

 

 





26/04/2012
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